Tilt: Michèle Schoonjans Gallery - Brussels

2 January - 23 February 2023

TILT - with Mathieu Bonardet

 

Chez l’un, l’ascétisme du noir et blanc, la matière palpable du graphite déposée geste après geste à la surface du papier. Chez l’autre, le sautillement des couleurs, la brillance du métal, et ce drôle de petit mouvement qui nous rappelle que l’art avant tout participe de la vie. Chez les deux, l’équilibre et le déséquilibre, l’épaisseur parfois insignifiante mais toujours palpable de formes à la géométrie stricte quoique lentement évolutive. Aussi pour eux l’importance de l’ombre qui joue avec les volumes déployés dans l’espace, en nous les faisant percevoir ici tout petits, et soudain plus loin si étrangement grands, jusqu’à en perturber notre propre lecture . Il est question d’œil bien sûr, et de perspective, d’éclairage et de distance ; la lumière ne nous serait-elle pas donnée, qu’ils en dessineraient sans doute naturellement les reflets !

 

Mathieu Bonardet développe depuis sa sortie des Beaux-Arts de Paris en 2013 un travail de rigueur, ou comme il le dit lui-même de réduction, par cette utilisation unique du graphite devenu outil en prolongement de sa main et peut-être même de son corps tout entier, et dans cette répétition du trait qui vient inlassablement recouvrir le blanc du papier. Pas d’autre effet, ni de grands écarts, que cette énergie déployée à composer feuille après feuille des formes qui semblent s’épanouir dans l’espace, sortir du plan pour se donner en volume et en contraste sur les blancs qui composent nos intérieurs contemporains. La sculpture n’est déjà plus loin, la minceur de l’objet ainsi traité dépassant par la matière et l’induction du mouvement la notion du support et de son rapport au plan et à la surface. Les éclats métalliques provenant du dépôt appuyé de la matière graphite alternent parfois avec le mat obtenu par ponçage, renforçant l’impression de force que dégagent ces feuilles devenues presque lames, miroirs noirs et sans fonds dressés devant nous tels de  possibles accès à un métavers inconnu.

 

Tom Henderson, artiste anglais installé depuis plus de dix ans dans le Sud de la France, aime lui aussi explorer un langage mixte qui mêle peinture et sculpture, en s’aventurant davantage dans une diversité de matériaux. Les œuvres murales présentées ici convoquent aussi bien miroirs, contreplaqué de bois et acrylique moulé, pour composer d’étonnantes structures ou sculptures planes. Ainsi dans la série Arclight les lignes et surfaces de couleurs paraissent se dissoudre dans l’opacité du support, se fondre littéralement dans la matière pour tenter d’absorber le regard et rendre fluide l’épaisseur même des œuvres. Les Plinth, sans être de véritables mobiles, étonnent, eux, par leur spatialité et leur capacité à se transformer selon le point de vue duquel on les aborde. Curieux objets difficilement identifiables, ils semblent, malgré leurs formes plutôt sages, toujours vouloir se décrocher de leur support, s’agiter, se distorsionner pour nous apparaître sous de nouveaux atours. Et c’est dans l’action même du spectateur, dans son déplacement que se révèle la vraie nature de ces tableaux en apparence silencieux.

 

Théâtre d’illusions et de métamorphoses, les travaux de ces deux chercheurs et expérimentateurs de la matière se croisent et se complètent, tant par l’obsession formelle à traiter des formes quadrilatères, que dans le rapport qu’ils entretiennent avec la notion d’équilibre et de basculement, et ce  jusqu’au moment précis d’installer leurs œuvres. Duettistes de la ligne, ou pourrait-on même dire fil-de-féristes du trait, le dialogue qu’ils amorcent ici nous ouvre les portes d’un nouveau monde, un univers où le dessin se confond avec la sculpture, et peu importe le spectre des couleurs ou la profondeur du noir pourvu qu’on ait l’ivresse !

For Mathieu Bonardet, the asceticism of black and white, the tangible material of graphite laid down on the surface of the paper, over and over. For Tom Henderson, the bouncing of colours, the brilliance of metal, and a curious little movement that reminds us that art above all is part of life. For both, balance, and imbalance, sometimes insignificant, but always a palpable thickness of form with strict geometries that are gently evolving. For both artists, the importance of shadows playing withing the volumes make us question our reading of the work as small spaces can suddenly appear strangely large from a distance. It is a question of perception, of course, and of perspective, of lighting and distance; if light was not given to us, they would no doubt naturally find its reflection!

 

Since graduating from the Beaux-Arts de Paris in 2013, Mathieu Bonardet has been developing a rigorous body of work, or as he himself puts it, a reduction, through the unique use of graphite, which has become a tool that extends his hand and sometimes even his entire body, and in the repetition of the line that tirelessly covers the white of the paper. There is no other effect, nor any hidden variant other than this energy labouring to compose sheet after sheet of shapes that seem to blossom in space, to materialise volume and act as a contrast to the whites that make up our contemporary interiors. The sculpture is also not far different, the balance of the object, as it is arranged, goes beyond the traditional notion of the support, and recalls the relationship between the plane and surface through the material and induced movement. The metallic splinters that occur from the application of graphite sometimes contrast with the matte finish obtained by sanding, reinforcing the impression of strength given off by these sheets that have become almost blades, black and bottomless mirrors raised before us like possible accesses to an unknown metaverse or landscape.

 

Tom Henderson, an English artist who has lived in the South of France for over ten years, also likes to explore a mixed language that blends painting and sculpture, through a diversity of materials. The wall works presented here use various sheet metals, oil paint and cast acrylic to create astonishing structures or flat sculptures. In the Arclight series, for example, the lines and coloured surfaces seem to dissolve within the opacity of the support, literally melting into the material in an attempt to absorb the viewer's gaze and make the very thickness of the works fluid and the picture plane disappear. The Plinths, without being truly mobile, are astonishing in their spatiality and their capacity to transform themselves according to the point of view from which they are approached. They are curious objects that are difficult to identify, that seem, in spite of their rather wise forms, to always want to detach themselves from their support, to agitate, to distort themselves in order to appear to us in new guises. And it is in the very action of the spectator, in his movement, that the true nature of these seemingly silent paintings is revealed.

 

A theatre of illusions and metamorphoses, the work of these two researchers and experimenters with matter, intersect and complement each other, both in their formal obsession with quadrilateral forms and in their relationship with the notion of balance and tilting, right up to the precise moment of installing their works. Duettists of the line, or one could even say acrobats of the line, the dialogue they initiate here opens the doors to a new world, a universe where drawing merges with sculpture, and it doesn't matter what the spectrum of colours or the depth of the black is, as long as we feel intoxicated by it!